4. Politiques publiques en faveur de l'enfance
4.1 La mission éducative dans le respect de la responsabilité première des parents.
La question de l'accueil de l'enfance est au cœur des préoccupations sociales et politiques, suscitant des débats sur la manière dont elle devrait être abordée. Doit-elle être considérée simplement comme une préoccupation d'adultes ou comme une véritable mission éducative ? Cette interrogation soulève des enjeux cruciaux quant à la manière dont la société envisage le bien-être des enfants et leur développement harmonieux.
D'une part, considérer l'accueil de l'enfance uniquement comme une préoccupation d'adultes pourrait sous-entendre une approche centrée sur les besoins physiologiques tels que la sécurité physique, la nutrition et les soins de base. Dans cette perspective, l'accent serait mis sur la satisfaction des besoins élémentaires de l'enfant sans nécessairement intégrer une dimension éducative plus large. Appréhender l’accueil de jour sous cet angle, c’est négliger l'importance cruciale des premières années de vie dans la construction des bases du développement cognitif, émotionnel et social de l'enfant.
D'autre part, concevoir l'accueil de l'enfance comme une mission éducative implique de considérer chaque interaction, chaque environnement et chaque expérience comme des opportunités d'apprentissage. Dans cette optique, les adultes jouent un rôle clé en tant que facilitateurs du développement de l'enfant, en lui offrant un cadre propice à l'exploration, à la découverte et à l'acquisition de compétences fondamentales. Cette approche met en lumière l'idée que l'éducation ne se limite pas aux salles de classe, mais commence dès les premiers instants de la vie.
Au demeurant, l’éducation des enfants revêt une importance cruciale pour leur développement et leur future intégration dans une société de plus en plus technologique. Afin de les préparer au mieux, il est essentiel de leur inculquer des connaissances et des compétences spécifiques.
L’éducation doit mettre l’accent sur le développement de compétences interpersonnelles. Dans un monde ou l’IA prend une place croissante, il est primordial d’enseigner aux enfants l’empathie, la collaboration et la communication en utilisant la musique, l’art, la littérature ou le sport. Ces compétences leur permettront de travailler en harmonie avec les technologies intelligentes et d’interagir de manière éthique avec autrui.
Les politiques publiques et sociales en matière d'enfance doivent donc trouver un équilibre entre ces deux perspectives. Elles doivent garantir la satisfaction des besoins fondamentaux des enfants tout en reconnaissant le potentiel éducatif inhérent à chaque interaction quotidienne. Les structures d'accueil de l'enfance, qu'elles soient familiales ou institutionnelles, doivent être conçues comme des espaces éducatifs favorables à l'épanouissement global de l'enfant.
C’est ainsi que le Loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) instaure, dans le cadre de l’accueil de jour des enfants, une mission éducative dans le respect de la responsabilité première des parents, par le soutien du développement physique, affectif et social des enfants, dans un cadre favorisant un accueil de qualité et selon un projet pédagogique adaptés à leur âge et à leurs besoins.
Au demeurant, réconcilier l'évolution et la diversité dans les politiques publiques sociales de l'enfance nécessite une approche dynamique et inclusive. En tenant compte des différentes réalités culturelles, socio-économiques et individuelles, les politiques peuvent être mieux adaptées pour assurer le bien-être et le développement optimal de tous les enfants, indépendamment de leurs contextes spécifiques.
4.2 La gouvernance : l’absence d’un réel dispositif harmonisé
La Suisse manque encore d’une volonté politique qui permette d’instaurer un système de gouvernance coordonné, englobant l’accueil de la petite enfance, l’accueil parascolaire et l’accueil familial de jour. Une telle vision globale vise à inscrire l’accueil de l’enfance dans une politique nationale pour l’enfance et la famille.
Pendant de longues – trop longues – années, la petite enfance n’a fait l’objet d’aucun débat politique ou de société en Suisse. Désormais, les projets et initiatives menés à différents niveaux politiques et administratifs se multiplient. Mais dans bien des administrations publiques, il manque un service spécifiquement compétent et dédié en matière de petite enfance. Cette absence d’assise constitue un frein à l’investissement et à l’innovation. Une politique d’accueil cohérente brille par son absence. Ceci a pour conséquence des compétences mal définies, des lacunes et des interventions redondantes. Il est indispensable de clarifier les compétences et de définir une stratégie fédérale cantonale et communale, afin que tous tirent enfin à la même corde.
Depuis les années 1990, la politique familiale en Suisse est un domaine de plus en plus important, diversifié et complexe qui mobilise et polarise. La question est de savoir si (et le cas échéant de quelle manière) les instances politiques répondent aux nombreux défis qui touchent les configurations familiales dépendant, au demeurant, d’une multitude de facteurs.
Ladite politique oscille entre deux extrêmes : la politique familiale en tant que politique sociale, relevant de la responsabilité de la société, et la politique familiale en tant que responsabilité individuelle, relevant de la sphère privée. Les autorités oscillent également entre deux pôles : être visionnaire ou rester « réaliste » (sans anticiper les changements significatifs à venir).
A quoi devra ressembler la politique familiale suisse en 2040 pour qu'elle soit équitable pour toutes les familles ? C'est la question qui a été posée lors du forum annuel de la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF). Lors de ce forum qui s’est tenu à Berne le 5 décembre 2023, la COFF a souhaité alimenter le débat sur la manière dont la politique familiale suisse devra être conçue en 2040 ; ceci en réponse aux besoins de toutes les configurations familiales et en s’appuyant sur les discussion élaborées par des tiers sous des angles différents et innovants . La proportion croissante de parents, et plus particulièrement de mères exerçant une activité lucrative nécessite des conditions-cadres permettant aux familles de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle en incluant la contribution de la collectivité à l'éducation précoce des enfants.
La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est primordiale tant pour les personnes exerçant des responsabilités familiales que pour l’économie en général.
4.3 Le modèle novateur du Canton de Vaud
Force est de constater que les cantons romands et urbains semblent avoir pris une certaine avance en la matière avec des objectifs plus ambitieux en termes de conciliation et de généralisation des places d’accueil. Quelques-uns d’entre eux se sont même dotés de conditions-cadres visant à encourager la création de nouvelles places et ou à impliquer d’autres partenaires dans leur financement.
A cet égard, le dynamisme du Canton de Vaud mérite d’être salué. Si la loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE, 2006) laisse aux communes l’initiative de créer des places d’accueil, elle les incite à se regrouper en « réseaux d’accueil » d’au moins 10'000 habitants afin
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d’élargir le bassin de population concernée par l’offre d’accueil et ainsi éviter des frontières virtuelles entre les régions,
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de générer des économies d’échelle en standardisant les progiciels de gestion par exemple,
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de simplifier et uniformiser les procédures administratives ainsi que les politiques tarifaires pour les parents et
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de garantir la qualité de l’accueil de jour, ainsi que son accessibilité financière et géographique.
Vu la diversité des communes, la mise en réseau permet une mutualisation de l’offre, des coûts y afférant et du savoir-faire. Par ailleurs, la loi a instauré un important partenariat public-privé en créant la FAJE, chargée de soutenir le financement des places d’accueil (par le subventionnement du personnel éducatif y compris les charges sociales) pour autant que les réseaux répondent aux conditions d’autorisation, offrent des plages d’accueil suffisantes pour permettre la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle et facturent leurs prestations au prorata du revenu des parents.
Ce dispositif a permis d’inciter les communes à intégrer l’accueil de l’enfance dans leurs objectifs stratégiques, en déléguant aux réseaux la marge de manœuvre nécessaire sur le plan organisationnel et opérationnel.
Au demeurant, étant donné que la politique tarifaire est de compétence des réseaux, la manière dont les parents sont mis à contribution relève d’un choix des communes, différents modes de répartition des participations communales étant possibles. Dans le cadre du RAT, les communes membres prennent à charge la différence entre le tarif facturé aux parents et le prix de revient moyen pour les enfants de leur propre commune.
Relevons toutefois que dans un système politique de milice dont la répartition des dicastères se fait de façon subjective, les interventions et décisions sont souvent davantage liées aux compétences et convictions personnelles des membres de la municipalité qu’à une véritable vision politique d’ensemble de l’accueil de l’enfance. Ceci a par ailleurs donné naissance à une démultiplication des réseaux d’accueil dans le Canton qui ont chacun adopté leurs propres bonnes pratiques, inspirées du génie local, au risque de l’inefficience qui s’est dégagée de cette situation.
Malgré la « biodiversité » qui s’est installée, le modèle vaudois démontre qu’une politique de conciliation vie familiale – vie professionnelle incitative, concertée et cohérente, dotée de moyens conséquents, permet d’aller à la rencontre des intérêts des différents protagonistes concernés, que ce soient les enfants, les familles, les employeurs et la société dans son ensemble.
La question se pose s’il n’est pas temps de transposer la politique d’accueil de l’enfance et avec elle celle de la conciliation vie familiale – vie professionnelle à une échelle nationale, l’évolution démographique, politique et économique du pays semblant plaider pour une vision cohérente et une gouvernance intégrée en matière de politique familiale et de l’enfance.